Un label pour éclairer la route au-delà de la RE2020

RBR 2020-2050 – Article publié le 8 octobre 2020

Même si la RE2020 marque une étape importante pour la filière et nécessitera un important travail d’apprentissage pour les acteurs, certains se projettent déjà vers l’avenir et sur le chemin restant à parcourir après 2020. C’est pourquoi, le groupe de travail Réflexion Bâtiment Responsable 2020-2050, élargi désormais aux territoires (RBR-T), s’est penché ces derniers mois sur la question pour anticiper l’après RE2020 et explorer les directions que nous pourrions collectivement prendre, notamment à travers un label, pour accompagner la RE2020 et anticiper les ambitions futures. 

Elioth a souhaité réagir au groupe RBR-T et proposer une réflexion complémentaire permettant d’ouvrir le débat sur un futur label RBR2020.

Crédits : © Quality Stock Arts -AdobeStock

Il est toujours agréable de se projeter dans le futur : chez Elioth, nous nous enthousiasmons au quotidien d’anticiper les suites de la RE2020. C’est notre vision de la mission du concepteur environnemental que de dépasser les labels et les certifications existants, aussi avant-gardistes soient-ils, comme l’a été E+C-. Il nous faut toujours aller au-delà de la simple « conception conforme » et proposer des bâtiments dont l’impact sur la planète est aussi faible que possible, tout en lui assurant un confort adéquat.

Réfléchir à l’après RE2020, c’est finalement cela : quel cadre maximaliste peut-on donner à nos ambitions, et comment assurer leur compatibilité avec la SNBC, la neutralité carbone en 2050 et nos engagements climatiques ?

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1er étage : un complément obligatoire à la RE2020

Montrer le carbone négatif

Il est primordial de mettre en évidence, à l’aune des rapports du GIEC et de la Stratégie Nationale Bas-Carbone, que l’augmentation de la séquestration de carbone dans les produits biosourcés, et par extension dans l’immobilier, est un prérequis à la tenue de notre trajectoire 2°C. Ce qu’il faut encourager de manière massive, c’est bien le double-effet bénéfique des matériaux biosourcés : se substituer aux matériaux traditionnels carbonés (puisque les process industriels doivent observer une réduction de 80% de leurs émissions d’ici 2050), et renforcer le puits national.

Les tergiversations autour de ce sujet, observées dans le cadre de la RE2020, n’ont pas lieu d’être pour un label qui se voudra plus ambitieux :  il faut afficher, de manière transparente, la quantité de carbone séquestrée dans le bâtiment, qui proviendra essentiellement de ses matériaux biosourcés. Idéalement, elle sera pleinement intégrée au calcul du bilan carbone, et nous souhaitons que soient arbitrées les questions de déductibilité du carbone biogénique au bilan des émissions brutes, et de réalisme d’un relargage complet à la fin de vie du bâtiment.

Dans une logique trajectorielle, il est important de considérer dès à présent que le moindre kilogramme de carbone décalé dans le temps est un kilogramme de carbone gagné face à l’urgence d’infléchir la courbe. A ce jour, et en l’absence de méthode alternative soutenant l’amorce de la « pompe à CO2 » dans le bâti, la méthode d’ACV dynamique nous semble être la méthode de calcul adéquate.

Il serait par ailleurs sans doute intéressant de documenter ce décalage et de scénariser pour les générations futures « l’héritage carbone » que nous leur léguons au travers de nos bâtiments. L’indicateur pourrait aussi prendre en compte les stratégies à appliquer pour éviter le relargage dans l’atmosphère au-delà du premier cycle de vie du bâtiment : allongement de la durée de vie, identification des ressources et valorisation circulaire, déconstructabilité, transformabilité des espaces. À ce titre, les réflexions du groupe d’expertise 4 sur la fin de vie sont intéressantes à prendre en compte.

La matière doit aussi être renouvelable

Le label Bâtiment Biosourcé est un bon label et il nous semble pertinent d’intégrer directement l’indicateur de quantité de matériaux biosourcés dans un futur label post-RE2020.

En poussant la logique un peu plus loin, on pourrait imaginer un indicateur montrant la substitution à des matériaux traditionnels, ou par opposition, la densité de matière non renouvelable par m² construit, afin d’encourager la sobriété constructive et la transition des filières industrielles de fabrication des matériaux de construction.

Provenance d’origine contrôlée

Une fois actée l’importance de la matière renouvelable, pour garantir un bon usage de la matière au bon endroit, il faut aussi s’intéresser à la provenance de ces matériaux. Si l’impact du transport sur des matériaux carbonés est assez faible, quand on commence à utiliser des matériaux très bas carbone, le transport peut alors représenter une part importante. De même, dans l’intérêt des filières de matériaux, il faut s’assurer que les matériaux proviennent d’une gestion durable des ressources. L’idée serait donc de créer une étiquette pour chaque matériau permettant de tracer le parcours géographique de ce dernier et ses impacts déportés.

Une approche simple serait aussi d’afficher clairement le taux de FDES individuelles spécifiques utilisées dans le bilan carbone, afin déjà de comprendre combien de matériaux « réels » ont été étudiés sous l’angle ACV.

L’étiquette, devrait quant à elle aller bien au-delà, en regardant la biodiversité grise, la gestion des sols, la provenance des matériaux…

Un autre indicateur pourrait être une distance moyenne parcourue par les matériaux.

De manière plus large, et maintenant que le carbone devient une métrique mieux maitrisée, il serait utile de décentrer l’exercice de l’ACV du seul indicateur « CO2eq » pour redonner de la valeur aux démarches d’approvisionnement vertueux, de préservation des ressources naturelles et d’impacts environnementaux (en s’assurant que ceux-ci n’aillent pas à l’encontre des enjeux climatiques !).

Tout compter, tout montrer

On le sait depuis longtemps, le calcul RT ne capture en réalité, au mieux, qu’un tiers des consommations réelles, celles que l’on trouve sur une facture. Beaucoup de postes sont oubliés dont celui appelé électricité spécifique, correspondant à nos consommations usuelles d’électricité. La RE2020 augmente le périmètre de calcul des consommations (immobilières) mais continue à oublier certains postes (mobiliers). Le Label RBR pourrait intégrer la notion de consommation globale dans son calcul : soit en le reliant aux consommations réelles ou factures via le suivi de la performance en exploitation, soit en proposant un coefficient multiplicateur permettant d’afficher un résultat proche. En effet, si lier facture et calcul est assez complexe en phase études (quoique les protocoles type IPMVP permettent de s’y attaquer), ne pas se voiler la face en admettant qu’un bâtiment consomme en réalité trois fois plus que le calcul RT est assez simple. L’usage des bases de données existantes et de campagnes de mesures (OPE/OBEC, OID, …), de statistiques suffisamment détaillées sur le parc connu, voire d’un cahier des charges normalisé pour les simulations énergétiques dynamiques, devraient permettre de rapprocher la « performance énergétique » du calcul règlementaire aux réalités physiques des consommations d’énergie.  

À la base, Le confort Thermique

C’est souvent le parent pauvre des calculs thermiques qui ne parlent presque exclusivement que d’énergie. Mais, si on se replonge dans l’histoire des constructions, un bâtiment est un objet ayant pour but d’assurer notre confort. Remettre en avant cette notion est aussi important, puisqu’une transition vers des modes de vie bas carbone va forcément impacter notre définition et notre zone de confort.

En complément des indicateurs traditionnels ou règlementaires, des « points « pourraient être obtenus pour des études avancées sur le confort, idéalement en utilisant le confort adaptatif ou les approches alternatives au traditionnel « 19-26°C ».

Il devrait également être permis d’explorer une autre approche du confort thermique, dont l’ode aux stratégies passives a parfois généré des conceptions contre-productives en termes de bilan carbone global, notamment par une complexification extrême des systèmes de façades, avec le carbone gris qu’elles génèrent (c’est l’ambivalence des double-peaux vitrées).

Une approche « active » du confort thermique et du triptyque « chauffage / ventilation / éclairage » ne doit pas être bannie, à condition qu’elle s’accompagne d’un allègement des façades, d’une maîtrise extrême des besoins de chauffage pour être compatible avec les moyens de production de chaleur décarbonée et d’émission basse température (approche PassivHaus hivernale), et d’une climatisation active dont le gisement de récupération de chaleur fatale devrait être impérativement valorisé.

Dès lors, la gestion du confort thermique pourrait devenir une opportunité et non plus une contrainte pour le bilan carbone des bâtiments, en plus d’apporter une résilience certaine au changement climatique et d’éviter les malheureuses mesures correctives apparaissant trop souvent en façade après quelques années d’usage.

2ème étage : aller encore plus loin

A la vue de l’évolution des températures ces 10 dernières années, il est clair que le changement climatique n’attendra pas la concrétisation de nos premières mesures de décarbonation : il faut donc impérativement aller plus loin en concrétisant d’ores et déjà les actions de transition globale.

Vers le zéro-artificialisation nette

La SNBC l’observe : le secteur des terres non forestières n’est aujourd’hui pas un puits mais bien un émetteur net dans le bilan des émissions françaises. Sont notamment en cause les changements d’affectation des sols et leur artificialisation massive (un département tous les 10 ans !).

La notion de « zéro artificialisation nette » visée en 2050 doit pouvoir être mesurée à l’échelle locale au plus tôt : pour lier la surface de la parcelle à la surface construite, on pourrait par exemple imaginer un calcul de type CBS obligatoire et le lier au stockage carbone des sols d’origine.

En liant l’atteinte du label à l’usage raisonné des sols et à la maîtrise du stock de carbone biogénique qu’ils contiennent (et du flux que les constructions engendrent), on impose alors la justification des surfaces construites en réponse à un besoin local ; on encourage aussi la densification locale et raisonnée face à l’étalement urbain, et on associe dans un même processus les collectivités, les aménageurs et les constructeurs.

Valoriser les contributions

Pour aller plus loin que le bilan carbone du bâtiment et de sa parcelle, qui plafonnent à ce jour à plusieurs centaines de kilogrammes de CO2eq par m² construit, nous sommes convaincus qu’il faut autoriser et valoriser les « compensations ». A ce mot galvaudé, nous préférons la notion de « contribution à la transition collective ». Les démarches en ce sens émergent à l’étranger sous l’appellation « Net Zero », sans qu’une réelle hiérarchie soit apportée entre les compensations mises en œuvre, et ne concernent trop souvent que les émissions opérationnelles.

Pourtant, nos récentes expériences nous montrent que nos maîtres d’ouvrage perçoivent l’intérêt d’aller « contribuer ailleurs », dès lors que les actions de réduction des émissions menées au-delà du périmètre classique peuvent être valorisées et certifiées. Devant l’ampleur du gisement dans le parc immobilier existant à rénover, dans les usages à transitionner, dans la mobilité à décarboner, dans l’alimentation à décarner : nous pensons qu’il serait dans l’immédiat contre-productif de vouloir se prémunir du risque de « double-comptage ». Des méthodes comme QuantiGES de l’Ademe sont probablement suffisantes à ce jour pour monitorer l’impact d’actions vertueuses, comparer leur efficacité relatives (en termes de coût de la tonne de CO2 évitée notamment), et instaurer l’émulation autour d’investissements matériels ou humains « à fort impact de décarbonation » qui n’auraient pas eu lieu dans un scénario business-as-usual.

Il s’agit en somme d’encourager la quantification des externalités positives d’un projet immobilier. Du point de vue de l’ingénierie, l’instauration de nouvelles filières d’approvisionnement, produits, procédés, méthodes ou techniques constructives réplicables « SNBC compatibles » pourrait aussi rentrer dans ce cadre.

Intégrer la notion d’usage

BBCA Quartier, Quartier E+C- et d’autres travaux l’ont montré : de nouveaux leviers d’action deviennent appréhendables dès lors que l’on intègre la notion d’usage à l’évaluation environnementale des projets immobiliers.

Fournir des lieux de vie où l’empreinte des usagers pourra tendre vers 1 à 2tCO2eq/personne/an, c’est le but ultime d’un immobilier neutre en carbone.

Le futur label pourra alors valoriser par des crédits dédiés ou par une mention spécifique le calcul de l’empreinte carbone des usagers du futur projet. Les actions de programmation alors activables peuvent s’attaquer à la densité d’usage, et il serait notamment intéressant de cadrer la performance d’un projet face aux valeurs statistiquement courantes de « m²/employé » ou « m²/habitant », même si en retour les consommations énergétiques augmenteraient nécessairement.

(Que) peut-on construire ?

Puisque la construction neuve ne sera jamais physiquement neutre du point de vue du climat et des ressources, il faut enfin et sans doute se permettre d’interroger le modèle complet de la construction urbaine.

En préalable à toute étude de conception bas-carbone, un projet ambitionnant d’être labellisé pourrait donc se voir contraint à une étude de scénarios alternatifs à la construction neuve (voire à la démolition), et à la recherche d’opportunités de maximisation du potentiel du parc existant, seul stock de carbone dont nous devrions réellement disposer pour imaginer aménager la ville de façon neutre.

 

Jocelyn Urvoy

Jocelyn Urvoy

Chef de projet Environnements

Guillaume Meunier

Guillaume Meunier

Directeur délégué - Responsable du pôle environnements

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