La carte de France de l'empreinte carbone

Quels sont les postes d'émission principaux de nos modes de vie selon les territoires ?

Différents postes d’importance dans l’empreinte carbone individuelle sont largement influencés par l’implantation et les dynamiques territoriales. Les recherches que nous avons menées dans le cadre des projets BBCA Quartier et Quartier Énergie Carbone nous ont poussés à explorer à une maille fine et en approche empreinte la répartition géographique des émissions de gaz à effet de serre.

On a souvent en tête les valeurs moyennes de l’empreinte carbone : estimée à selon les méthodes [1] entre 8,5tCO2e/hab/an et 10 tCO2e/hab/an aujourd’hui, avec un objectif de 2 tCO2e/an en 2050 pour atteindre la neutralité carbone.

Trajectoire indicative de l'évolution de l'empreinte carbone individuelle
Trajectoire indicative de l'évolution de l'empreinte carbone individuelle

Trajectoire de l’empreinte carbone d’un.e Français.e moyen d’ici à 2050 pour viser la neutralité carbone et empreinte indicative d’un.e habitant.e de quartier neuf, projet BBCA quartier

Comme nous l’expliquions dans de précédents articles, ces chiffres cachent en réalité une grande variabilité dans l’empreinte carbone entre les territoires (suivant le climat local, l’activité économique ou l’offre de transport décarbonée par exemple), et entre les personnes (suivant l’âge, le genre, la catégorie socioprofessionnelle par exemple).

Nous avons donc réalisé une première cartographie de l’empreinte carbone par habitant dans toute la France, pour traduire visuellement cette variabilité spatiale, et mieux comprendre les liens entre territoire et impact des modes de vie.

Approche

L’empreinte carbone individuelle est une façon de mesurer l’impact de nos modes de vie sur le climat, qui ne peut être la seule approche, mais a son intérêt : notamment celui de visualiser à une échelle simple à appréhender – celle de l’individu – nos leviers d’actions, qu’ils soient individuels ou collectifs. En effet, nous mettions précédemment en évidence le rôle déterminant des acteurs du cadre de vie pour encourager et faciliter les transitions individuelles vers des modes de vie bas carbone.

Des données sont déjà disponibles sur le bilan carbone des territoires en approche inventaire. Nous tentons ici de les compléter par une approche empreinte via un modèle d’estimation similaire à celui de la méthode Quartier Energie Carbone, qui hybride différents calculs.

Plus d’information sur les outils de calculs Elioth pour modéliser l’empreinte carbone des habitants d’un quartier sont disponibles ici et en bas de page.

Cartographie

La carte suivante présente les résultats agrégés, mais donne également la possibilité d’explorer la décomposition par poste, que l’on peut faire apparaître à l’aide du menu contextuel, qui précise également la légende.

On y voit sans surprise apparaître des motifs territoriaux que l’on peut relier à différents facteurs déterminants : revenu moyen, distances à parcourir…

Ces cartes donnent une vision complémentaire à celle des données spatialisées en approche inventaire territorial.

Couplées à des analyses locales, elles nous sont utiles pour imaginer quels leviers peuvent prioritairement activer les acteurs de la chaîne l’aménagement (collectivités, aménageurs, bailleurs, promoteurs…) en dépassant la seule question du bâti et en contribuant à la création d’un cadre de vie bas carbone pour faciliter et encourager la transition des habitants et usagers du territoire. 

A vous d’explorer les vôtres !

Empreinte carbone moyenne par habitant et décomposition par poste, à l’échelle des Cantons ou Villes. Source : calcul Elioth

Cliquez sur les flèches en haut à gauche pour faire apparaître les différentes couches par poste à partir de l’onglet Légende. Le chargement des données peut prendre quelque temps, soyez patients 😉

La variabilité des empreintes

Les résultats du calcul sur toute la France révèlent comme on pouvait s’y attendre des différences notables entre les territoires et selon les postes, laissent apparaître des motifs territoriaux interprétables par la centralité, l’attractivité, etc. A titre d’exemple, le graphique suivant présente la décomposition de l’empreinte moyenne sur quelques communes : 2 grandes villes (Paris et Lille), 2 villes de banlieue parisienne aux profils différents (Saint-Denis et Châtenay-Malabry), Chamonix dans les Alpes et un canton-ville rural autour de la commune de Donzenac en Corrèze.

Empreinte décomposée sur quelques Cantonvilles

Empreinte carbone individuelle sur une sélection de communes et cantons (en tCO2e/an). Source : calcul Elioth

Au global, les empreintes carbone moyennes par canton-ville varient d’environ 6.9 à 10.5 tCO2e/an. La moyenne nationale (en pondérant par la population des canton-villes) est à 8.6 tCO2e/an.

Les valeurs moyennes données à l’échelle des cantons-villes ne doit pas faire oublier les importantes disparités qui peuvent exister entre profils et individus au sein d’un même découpage géographique. Le graphique suivant traduit par exemple la variabilité des empreintes au sein d’un même canton-ville (Paris), entre les différents profils des individus modélisés. L’empreinte carbone moyenne vaut 9.3 tCO2e/an mais varie de 7.2 à quasiment 12 tCO2e/an.

Empreinte carbone individuelle moyenne selon CSP et composition du ménage

Exemple d’empreinte carbone par CSP et structure de ménage pour Paris. Source : calcul Elioth.

Enfin, il est nécessaire de garder en tête que, même si elle est bien corrélée au niveau de revenu et influencée par les contraintes locales, l’empreinte ne peut se calculer de manière purement déterministe à partir des données socio-économique et géographique.

Une modélisation de l’OFCE témoigne par exemple à la fois de la corrélation de l’empreinte et du niveau de vie, et de la grande variabilité des empreintes au sein d’une même catégorie de revenu.

Empreinte des ménages par poste, par décile de niveau de vie (gauche). Dispersion des empreintes des ménages et individuelles au sein des déciles (droite). Source : OFCE || Cliquez pour des images en bonne qualité

En incluant une composante spatiale, les modèles que nous utilisons, ajoutent des facteurs de compréhension supplémentaires. Enfin, l’introduction d’une part d’aléatoire dans nos modèles permet de capturer la variabilité résiduelle.

Méthode de calcul

Conscients de la perfectibilité des données d’entrée, autant que des modèles et des modes d’allocation utilisés ici, nous espérons néanmoins cette première exploration féconde : maillage plus fin, données plus robustes, analyses qualitatives et meilleure compréhension du lien entre territoire, comportements et impacts sont autant de pistes à explorer.

Les données sont diffusées ici sous licence CC-BY-SA. Nous vous invitons à nous contacter si vous souhaitez apporter votre pierre à l’édifice : contact@elioth.fr ; r.babut@elioth.fr

L’ACV Hybride de la méthode Quartier Énergie Carbone

On utilise ici le terme courant « empreinte carbone », pour désigner l’ensemble des émissions (tous GES compris : CO2, CH4, N2O et gaz fluorés [2]) qui peuvent être imputées à un individu en tant que consommateur final, sur une durée de référence d’un an.

L’empreinte carbone est décomposée en cinq postes : logement (construction et consommations énergétiques), mobilités, biens de consommation, alimentation et services. Dans cette méthode, alors que les 2 premiers postes sont calculés via des données physiques (consommations énergétiques des logements, distances de déplacement…), le calcul des 3 derniers postes implique des données socio-économiques à l’échelle des territoires, un calcul via des tableaux entrée-sortie et des facteurs d’émissions monétaires (en kgCO2e/€).

La méthode générale consiste pour chaque territoire à réaliser un échantillon de personnes représentatif et à modéliser leur empreinte carbone. Dans cette étude, l’échelle territoriale retenue est le Canton-ville, zonage territoriale établi par l’INSEE plus grand que les communes mais assez petit pour observer des différences notables entre territoires, y compris à l’échelle des agglomérations.

Bâtiment

Pour le poste logement, les consommations énergétiques sont évaluées à l’échelle du canton-ville l’aide de la base de données DPE « corrigée » introduite dans l’article Estimation de la Performance Énergétique du Parc Résidentiel de Yassine Abdelouadoud et Robin Girard. Cette base de données a pour objectif de corriger les défauts inhérents à la méthode de diagnostic de performance énergétique (DPE) et de pallier la non-représentativité des bâtiments possédant un DPE. Seules les résidences principales ont été prises en compte dans cette étude.

Les émissions liées à la construction sur chaque canton sont évaluées à l’aide de la base de données Sit@del et de facteurs d’émission issus de l’analyse de l’observatoire E+C-. Elles ont été attribuées à l’ensemble des résidents du territoire sur lequel les constructions ont lieu.

Autres postes

En bref, un premier module de calcul : population, détermine un échantillon d’une population représentative du territoire étudié. Cet échantillon provient de bases de données de recensement de l’Insee et permet de caractériser les habitants (notamment leur âge, activité, catégorie socio-professionnelle). Ensuite, le module budget permet de modéliser les dépenses annuelles de ces personnes, à partir de l’enquête budget des ménages de l’Insee de 2011. Le module mobility permet d’échantillonner pour chaque individu l’ensemble des trajets annuels à partir des enquêtes de mobilités pilotées par l’Insee : ENTD 2008 et EMP 2019, et disponibles sur le site du SDES (Services des Données et Études Statistiques). Chaque habitant est ainsi caractérisé par un budget annuel, une table de trajets avec distance et mode de transport.

L’empreinte carbone de chaque habitant est ensuite calculée à partir de ces premiers résultats sur les postes suivants :

  • Mobilité : l’empreinte annuelle se déduit des trajets en multipliant pour chaque mode les distances avec un facteur d’émission correspondant au mode.
  • Alimentation, biens de consommation et services : ces postes sont modélisés par une approche monétaire, où chaque dépense en euro correspond à une émission.

Les modèles population, budget, mobility et input-output développés par Elioth pour ces calculs sont disponibles en OpenSource.

[1] Les méthodes ont toutes leurs limites. Leur intérêt réside davantage dans la comparaison entre territoires de la structure des émissions et son évolution dans le temps, que dans la comparaison des valeurs absolues des différents modèles entre elles, si ce n’est pour s’accorder sur les ordres de grandeur.

Voici quelques exemples de paramètres susceptibles de faire varier les estimations d’une méthode à l’autre :

  • Gaz à effets de serre pris en compte : ne pas confondre l’empreinte CO2 uniquement avec l’empreinte GES. Dans l’empreinte GES, CO2, CH4 et N2O sont généralement pris en compte mais les gaz fluorés pas toujours ou pas tous
  • Périmètre : usage des sols et changement d’usage des sols, déforestation importée, effet des traînées de condensation…
  • Maillage régional (par pays, continent…)
  • Traitement de la formation du capital (endogénéisation, allocation temporelle). Le capital est un investissement carbone qui servira aux usages de consommation finale sur plusieurs années futures. Par exemple : les bâtiments, les véhicules, les équipements industriels…
  • L’estimation descendante (à travers un modèle IO) pour un poste spécifique à l’échelle d’un pays ne reboucle pas toujours avec l’estimation remontante (volume d’activité x facteur d’émission) y compris sur des postes aussi basiques que la combustion d’énergies fossiles

[2] Les gaz fluorés pris en compte par le modèle Input-Output sont les HFC, les PFC, le NF3 et le SF6.

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